Faut-il se priver de tout pour rester en bonne santé ?
Le début d’année est souvent propice aux bonnes résolutions. En 2018, c’est décidé : j’arrête de fumer, j’arrête de boire…En France, les prescriptions venant des autorités publiques sont devenues une habitude, nous sommes en permanence assaillis d’interdits ou de bons comportements à adopter impérativement pour rester en bonne santé.
Il ne faut pas boire plus de dix verres d’alcool par semaine, intimaient conjointement Santé publique France et l’Institut national du cancer, l’an dernier. Moins de sucre, moins de charcuterie et plus de légumes dans notre alimentation, avait recommandé de son côté l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).
C’est ainsi que le mot « prévention » est synonyme, dans l’esprit de beaucoup, de privation, de restriction et d’obligation. On peut penser que l’accumulation des messages d’alerte finit, à la longue, par devenir contre-productive. Voire même oppressante.
Résumons les privations et conseils
Il ne faut pas : fumer (ni tabac, ni cannabis), boire de l’alcool (même en petite quantité), se droguer avec des produits de synthèse, faire l’amour sans préservatif si on ne connaît pas son ou sa partenaire depuis longtemps, manger trop sucré, trop gras, trop salé, se rendre dans des lieux trop bruyants, prendre le volant si on a bu ou pris de la drogue etc…
À l’inverse, il faut : faire une activité physique régulière, manger 5 fruits et légumes par jour, limiter notre consommation de viande rouge et de charcuterie, porter un masque en cas de symptômes grippaux, mettre la ceinture de sécurité et vérifier que tout le monde l’a mise avant de prendre la voiture, respecter les limitations de vitesse sur la route, mettre un casque si l’on se déplace à vélo et des bouchons d’oreille si l’on va à un concert de rock, dans une discothèque ou à une fête improvisée etc.
Jusqu’où ira-t-on ?
Les campagnes sont souvent alarmistes, parfois volontairement choquantes, comme les images sur les paquets de cigarettes ou certaines vidéos-chocs de la prévention routière.
Mais ce n’est pas tout. En plus des autorités publiques, les magazines et les sites Internet prodiguent eux-mêmes d’innombrables conseils visant à aider chacun dans sa quête d’une santé et d’une jeunesse éternelle, nouveau Graal des sociétés modernes. Ainsi, il vaudrait mieux éviter le lait, manger sans gluten, consommer des oméga 3 plutôt que des oméga 6, se tenir à distance de toute onde radio-électrique, ne pas réutiliser une bouteille en plastique pour boire. Chaque jour apporte son « conseil santé », souvent étayé par un médecin aux titres universitaires variés et, parfois, fantaisistes.
Les nouvelles technologies au service de notre santé ?
Les outils introduits par les nouvelles technologies accentuent l’effet d’injonction.
En effet, nous pouvons désormais compter le nombre de pas que nous faisons chaque jour. Nous pouvons également contrôler la qualité de notre sommeil ou encore analyser la manière notre alimentation, et la corriger.
La moralisation : Bon pour la santé ?
Il existe une autre manière de voir l’éducation à la santé. Cette approche vise à l’autonomie et au renforcement des capacités des individus. Elle est plutôt accés sur l’éducation positive (encourager et féliciter au lieu de punir). Un peu ce que l’on préconise aujourd’hui pour l’éducation de nos enfants.
Réinventer la prévention, c’est d’abord réintroduire la notion de plaisir dans les messages de santé publique. La campagne « Moi(s) sans tabac » est une bonne illustration de cette approche car elle a joué avant tout sur l’émulation collective et le renforcement positif autour de l’engagement pris par l’ex-fumeur.
Répondre à nos interrogation
De nouveaux travaux de recherche pourraient permettre de répondre à des questions du type : Le plaisir dans la vie est-il le préalable à des comportements favorables à la santé, ou est-ce l’inverse ?
Arrêtons les clichés
Beau, heureux et socialement bien intégré : Il est temps de s’éloigner des clichés en renonçant définitivement aux messages caricaturant le « déviant » en individu repoussant, isolé, malheureux. Celui qui adopte la bonne attitude étant peint en individu épanoui, beau, heureux et socialement bien intégré.
Tenir compte de notre environnement
Certes l’individu dispose de son libre arbitre, mais on oublie un peu trop vite que le contexte influence aussi nos comportements. Le surpoids ne se présente pas de manière homogène selon les niveaux socio-économiques ou selon les régions. Le fait de fumer ou de boire de l’alcool correspond, en partie, à un processus de reconnaissance sociale. Et ce ne sont que deux exemples.
Sur l’alcool, l’alimentation ou la sexualité, les règles édictées par des autorités sanitaires qui se contredisent parfois entre elles finissent par paralyser les individus. Elles dessinent dans nos têtes une cartographie infernale représentant mille dangers qui nous guettent à chaque instant. Il est temps d’imaginer une prévention sur mesure pour chacun, mais aussi de reconnaître tous les facteurs qui façonnent collectivement nos comportements.
Pour retrouver le plaisir de vivre en bonne santé, et d’un bien-être collectif.